Toutes blessent la dernière tue

Karine Giebel

3' de lecture

Nauséeux, indigeste et inutile, les caractéristiques principales de ce livre. Je m’étais laissé tenter sur la foi de la réputation de l’auteur Karine Giebel (collectionneuse de récompenses avec le prix Intramuros du festival de Cognac 2008, le prix SNCF du polar 2009, prix du Polar francophone du festival de Cognac et Prix marseillais du polar en 2012) et sur le sujet du livre, l’esclavage moderne qui pouvait promettre de belles refexions et actions. A lieu de cela, j’ai eu droit à une avalanche, ou plutôt, une litanie de maltraitance et violence en tout genre, physique, psychologique, sexuelle, et des chairs torturées à chaque coin de page.

On suit donc l’histoire de Tama, jeune fillette réduite à l’état de chose et d’esclave domestique et sexuelle et si je n’ai pas pris la peine de comptabiliser les blessures morales et physiques, c’est que, déjà au bout de 200 pages, j’ai commencé à sérieusement saturer. Des mains ébouillantées, au fer à repasser dans le dos, la main clouée au marteau, les passages à tabac, sans parler des sévices sexuels en tout genre, cela finit par ne plus être crédible du tout. Faut dire que Tama a tout juste 8 ans au début du livre pour subir tout cela jusqu’à 17 ans. Pour ajouter le cliché à l’inutile, Karine Giebel mêle l’histoire de Tama avec celle de Gabriel, tueur solitaire aussi froid et méthodique dans son œuvre que tourmenté et névrosé dans sa vie intime. Mais, ne vous inquiétez pas, son histoire charrie autant de violence que la première.

Le livre aurait pu creuser la psychologie des victimes et des tortionnaires, pour mieux comprendre les ressorts d’une telle ignominie, mais Karine Giebel se limite à deux ou trois lignes ici ou là, vite oubliées pour laisser libre cours à une violence aussi débridée qu’exaspérante. D’autant qu’aucun des personnages n’a une once d’humanité et rien ne vient sauver le récit, ni humour ni distanciation. Les ressorts principaux de chacun des personnages semblent être la haine et la bêtise. Toujours plus semble être la devise de l’auteur, histoire d’enfoncer le clou (si j’ose dire) et de bien nous faire comprendre à quel point de tels comportements sont abjects, ignobles, nauséabonds répugnants, effroyables, sordides et méprisables. Mais à trop en faire, elle dessert la cause d’un sujet qui mérite une hauteur de vue, une profondeur et une vérité totalement absentes de ce livre.

Pour résumer, 3 lignes de la page 400 suffisent :

Je n’ai pas encore dix-sept ans et j’ai connu la servitude, les humiliations, les insultes, les brimades. On m’a frappée, si fort que j’ai failli mourir. On m’a planté un clou dans la main, privée de nourriture. Privée de tous mes droits. Mejda m’a violée. Greg me viole tous les jours. Et je n’ai pas encore dix-sept ans.

Une seule ligne a un peu éclairé ma lecture, mais il m’aura fallu attendre la page 516. Izri, le compagnon de Tama, goute un Yamazaki de dix-huit d’âge et déclare :

il est bon ton whisky.

Effectivement je confirme, le Yamazaki est l’un des meilleurs whiskys du monde, n’en déplaise aux Écossais.

Toutes les pages plombent, la dernière libère de ce pavé indigeste ! Vous l’aurez compris, je n’ai pas du tout aimé ce livre et il n’est pas certain que je redonne une chance à Karine Giebel (mais elle n’a pas vraiment besoin de moi).

Cataract City
Sans lendemain