La Moitié du Paradis

James Lee Burke

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Triste, mélancolique, empreint d’une humanité terriblement attachante, ce premier roman de James Lee Burke, écrit en 1965, véhicule une telle empathie pour ses trois personnages principaux qu’il en devient presque difficile de partager avec eux cette fin inéluctable et cette destruction tranquille et irréversible à laquelle ils sont inexorablement voués. Il y a du Steinbeck dans ce roman social, qui dépeint la destinée de trois hommes du Sud profond louisianais, entre un séjour dans un bagne invivable pour une broutille ou par malchance, la trajectoire inévitable d’un chanteur de country remarqué par un promoteur pour une renommée fugace au prix de compromissions et d’une descente aux enfers de la drogue et enfin le gâchis de l’alcool pour un jeune héritier d’une ancienne noblesse française de Louisiane. On peut hésiter entre pessimisme et réalisme cynique devant cette société américaine des années 60 qui ne pardonne pas le moindre écart aux plus faibles et qui vous fait payer très cher la petite parcelle de paradis dont vous auriez pu jouir ne serait ce qu’un instant.

Ce qui frappe dans ce roman, c’est l’injustice presque naturelle qui frappe les trois garçons du roman, cet enchainement disproportionné d’événements contraires mais pressentis, ce pessimisme viscéral qui ne laissera aucune chance à aucun d’entre eux, malgré une volonté certaine de s’en sortir. Malgré l’empathie pour ces trois là et ce sentiment d’injustice, on ne peut s’empêcher de constater qu’ils ont bel et bien fauté et que la justice est passée, certes un peu trop fort, un peu trop durement. Les pages sur le bagne, intenses et presque douloureuses, m’ont fait immédiatement penser au film de Stuart Rosenberg, Cool Hand Luke avec un Paul Newman absolument fantastique qui se passe a peu prés à la même période (film réalisé en 1967). Même sentiment d’injustice, même discipline et humiliations autoritaires, même sympathies pour les prisonniers qui tentent de survivre dans cet enfer.[nl]Mais le livre dépeint tout aussi crûment les méfaits des vapeurs d’alcool, les occasions manquées pour une cuite de trop, les quelques premières pilules pour tenir le coup, qui se transforment rapidement en rail de coke pour devenir aussi incontournables que nuisibles. Désabusé, réaliste sans être cynique, foncièrement humain, lyrique dans la poussière et la sueur, James Lee Burke avait signé là pour ces débuts un grand roman. La suite nous le confirmera avec ses livres mettant en scène Dave Robicheaux.

La Moitié du Paradis vaut elle de finir en Enfer pour l’éternité ?

En Bonus la musique du Film Luke la Main Froide (titre français) écrite par un des maitres du genre Lalo Schiffrin

Vous pouvez également le retrouver dans les Bandes Son du Polar

Metzger voit rouge
So much pretty