La Daronne

Hannelore Cayre

2' de lecture

Drôle, original, sombre, documenté et crédible, mâtiné de social, un brin nostalgique, un roman tragi-comique qui vous donne la pêche, vous réconcilie avec l’optimisme des gens qui veulent s’en sortir au travers d’objectifs ambitieux mais réalistes et mesurés, fussent-ils « nouvel entrant » dans le business de la dope.

On pourrait croire que ce roman est une sorte de fourre-tout, mais Hannelore Cayre le fait tenir debout par la grâce de la Daronne, quinquagénaire traductrice judiciaire qui va mettre ses talents au service d’un nouveau business fortement suggéré par ses traductions d’heures d’écoutes de petits dealers de came et nécessité par une mauvaise passe financière. Quand l’occasion fait le larron !

On a donc droit avec bonheur et avec une construction très bien huilée, aux dialogues savoureux des dealers maghrébins, mi-français, mi-arabe, mi-jargon de petite frappe, aux retours nostalgiques vers une famille aux accents mi-truands, mi-juifs ashkenaze, mi-arabe (cocktail détonnant et jouissif), aux combines de la toute nouvelle « dealer » pour gérer et fourguer sa came avec le souci constant d’assurer un avenir financièrement stable à ses deux filles (sans toutefois avoir les yeux plus gros que le ventre), à ses tourments affectifs de quinquagénaire qui doit également gérer sa libido, à ses problématiques de fille devant s’occuper de sa vieille mère et de sa maison de retraite (alors qu’elle préfèrerait s’en débarrasser pour de bon), tout en sauvant les apparences de son boulot officiel de traductrice.

La Daronne, alias Patience Portefeux, est donc la toute nouvelle super « working-girl » qui ne s’en laisse pas compter, capable de faire tout cela à la fois, tout en gardant les pieds sur terre, malgré une ascendance pour le moins compliquée et contrainte. Confrontée comme vous et moi aux soucis du quotidien, elle verse souvent dans le politiquement « très incorrect », entre légalité et petits arrangements coupables. De même, ses réflexions et assertions (ou du moins celles de l’auteure) sur la justice, le djihadiste, le féminisme, les vieux, la parenté et la famille, le rapport aux immigrés sont très éloignées des canons autorisés en ce moment avec juste ce qu’il faut de pertinence, d’irrévérence et d’humour pour donner vraiment à réfléchir. Cette approche « sociale et incorrecte » fait le sel de ce récit, relevé de dialogues percutants, de digressions aussi nécessaires qu’acérées, de références géographiques, historiques soulignant un vécu à la fois douloureux et fantasmé.

Le roman a obtenu le prix « Le Point » du « Polar Européen »
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