Helena

Jeremy Fel

3' de lecture

Si vous aimez l’Amérique des séries US, celle des stéréotypes habituels, du rêve américain teinté de violence brute, ce polar est fait pour vous et pour tous ceux qui aimeront se faire surprendre par ce patchwork très bien ficelé qui nous promène des plaines agricoles du centre des Etats-Unis et leurs villes de provinces ennuyeuses et dépressives aux côtes Est et Ouest intellectuelles et artistiques.

Toute la panoplie des personnages américains classiques et clichés sont convoqués ici pour une belle histoire qui saute du conte de fées sur fond de soleil couchant sur les plages du Pacifique au thriller trash chez les ploucs des champs de maïs de l’Amérique profonde votant pour Trump.

On retrouvera donc les lycéens de la jeunesse dorée de Wichita, Kansas (chère aux films de teenagers US) carburant à l’alcool et à la drogue dans des parties étudiantes et ne rêvant que de s’échapper de ce trou perdu, les mères désœuvrées de province en l’absence de leurs maris (à la façon de Desperate Housewives), le destin brisé d’une ex-future mini-miss (loin de la famille gentiment déjantée de Little Miss Sunshine), le psychopathe habituel (présent au choix dans n’importe quel épisode de New York Section Spéciale), torturé par un démon invisible enfanté par les sévices subis lors de sa petite enfance, le beau gosse sensible et artiste sur le départ pour la Grosse Pomme pour y vivre sa vie de bohème, le vieux couple bobo, lui professeur à Cornell (Université new-yorkaise) et elle peignant dans une chambre dédiée de leur maison située ne plein cœur de Greenwich Village évidemment, la belle jeune fille (blonde à coup sûr) gâtée par son père veuf qui lui offre une vielle Chevrolet vintage pour ses 17 ans.

Mais ce patchwork, pour aussi caricatural qu’il soit, fonctionne malgré tout à merveille par la grâce de cette histoire très bien ficelée qui tient la route (ou plus précisément la US Highway) avec Norma, mère de trois enfants (de trois pères différents), prête à tout (vraiment tout et même du pire) pour défendre ses enfants, que ce soit l’ainé Graham, l’artiste digne héritier de son père trop tôt disparu, Tommy, le psychopathe victime et pervers ou la petite dernière, Cindy, petite miss au destin brisé.

Si la caricature est toujours à fleur de lecture, l’auteur, Jeremy Fel, arrive à nous surprendre par des revirements constants, une écriture entrainante, juste sur le fil pour éviter la surdose de clichés, même s’il multiplie les personnages, pour certains juste ponctuels comme Viola, prostituée au grand cœur que croise Tommy au cours de sa virée trash et psychotique, et qui ira kidnapper sa gamine pour la soustraire des griffes de son père. J’ai eu parfois l’impression de voire une compilation des meilleurs épisodes des séries spin-off New York, Unité Spéciale (dédiée aux crimes sexuels) et New York, Section Criminelle (dédiée aux meurtres complexes ou extrêmement violents), mais le récit est réjouissant, entrainant et dépeint une Amérique un brin manichéenne à déguster au premier degré, sans toutefois être dupe sur la complexité d’une réalité ne condensant pas systématiquement toute la noirceur du monde. Il parle également en creux des relations et tourments familiaux, que la famille soit décomposée, recomposée, tiraillée, dispersée, incomplète, incomprise, idéale, voire banale, dépourvue d’amour ou transpercée par un destin aussi néfaste que tragique.

  • New York, Section Criminelle
  • New York, Unité Spéciale
  • The Affair
  • Desperate Housewives
Irezumi
Cataract City