Histoire du Polar
La véritable histoire du roman policier vue par les durs-à-cuire
Table des Matières
Le Roman Policier, le Roman Noir, Le Polar, enfin les romans de la Série Noire c’est-à-dire les romans Hardboiled puisque ce type de littérature trouve son origine en Amérique (littéralement durs à cuire). Vous avez tous vu, je suppose, au moins une fois ces fameuses couvertures jaunes et noires de la collection Série Noire. Les romans noirs souvent considérés comme littérature au rabais ne traitent à priori que d’énigme policière ou d’aventures de truands de deuxième zone.
La grande époque
Or justement le grand mérite des premiers romans noirs de la grande époque américaine des années 30-40 a été de sortir le roman policier des salons anglo-saxons feutrés et un peu maniérés, à la mode Agatha Christie, pour l’amener dans la rue (voire même dans le caniveau) pour le confronter à la vie réelle, au contexte social, économique et culturel du moment. Cet ancrage dans la réalité a permis de faire passer l’énigme policière au second plan pour s’intéresser à ce qui reste essentiel, l’homme et l’aventure humaine. Je dirais que le roman policier est donc passer du rose british au Noir le plus profond car il a mis alors en exergue les aspects les plus secrets et les plus compliqués du comportement humain avec parfois un pessimisme dévastateur.
Un Style à Part Entière
L’âge d’or du roman noir se situe donc dans les années 30-40 en Amérique avec un précurseur, l’inventeur même de ce style, Dashiell Hammett et des auteurs tels que, Raymond Chandler, David Goodis ou Jim Thompson. A noter que la fameuse collection Série Noire de Gallimard n’a elle débuté qu’en 1945. Non content de plonger le roman dans le caniveau, ces auteurs de la première heure ont aussi développé un style littéraire et narratif qui a fait très tôt la marque de fabrique de la Série noire. Bref, concis, factuel, descriptif voir répétitif, le style s’est souvent mis au service et à l’unisson de l’action et des caractères souvent rudes et tranchés des personnages. Sobriété et dépouillement sont les maîtres mots de ce style. Souvent pour décrire, par exemple, l’anxiété de tel ou tel personnage, un auteur tel que Dashiell Hammett, décrira la façon dont a le personnage d’allumer sa cigarette pour l’éteindre aussitôt sans l’avoir même fumer, de l’écraser dans le cendrier, d’en rallumer aussitôt une autre faisant ainsi sentir la distorsion entre des gestes purement mécaniques et un esprit fortement préoccupé. On a ainsi parlé de style “comportementalisme”, technique narrative propre aux grands noms de la Série Noire qui a été saluée en son temps par quelques grands de la littérature tels que Malraux, Gide et Aragon et cela a permis une reconnaissance littéraire du Roman Noir dans les années 60-70.
La Règle des 3 A
Au fond de quoi traite vraiment un roman noir ? C’est très souvent l’aventure d’un homme ordinaire qui est confronté à un évènement ou situation extra-ordinaire et ce, pour en général 3 raisons, c’est ce que j’appellerai la Règle des 3 A, trois raisons incontournables:
- Argent
- Amour
- hAsard
Force est de constater que c’est souvent ces trois moteurs qui font avancer l’homme (et le monde). Le roman noir s’intéresse donc à un homme ordinaire confronté :
- à l’Amour, avec le cliché de la passion dévorante et de la femme fatale qui lui fait perdre la tête,
- à l’Argent soit au travers du hold-up ou au manque d’argent et enfin,
- au hAsard car il se trouve là où il ne fallait pas au moment ou il ne fallait pas.
Ces trois leviers fondamentaux se retrouvent pratiquement dans tous les romans noirs des années 30-40, avec très souvent des personnages de détectives récurrents avec leurs doutes, leurs peurs, leurs décisions et leurs actions. Les plus fameux d’entre eux, Sam Spade ou Philip Marlowe, ont été immortalisés à l’écran par Humphrey Bogart avec la trilogie classique du détective :
- Boire
- Séduire
- Tuer
Entre parenthèses, il faut signaler que les héros récurrents de séries télé d’aujourd’hui n’ont fait que moderniser cette vielle recette.
Les Héritiers Aujourd’hui
Bien que le roman policier s’attarde aujourd’hui plus volontiers dans le domaine du sensationnel à la limite du réalisme (voire les histoires de serial killer plus proche du fantastique) il reste néanmoins quelques dignes héritiers de ce style et donc des auteurs soucieux de sonder l’âme humaine dans la lignée de ces précurseurs américains. Ces auteurs présents sont pour beaucoup français (nourri au sein de cette Série Noire des années 50-70) tels que Jean-Claude Izzo, Tonino Benacquista et Jean Pierre Manchette, européen tels que le suédois Henning Mankell (un de mes préférés) et parfois américain tel que Edward Bunker ou James Ellroy
Conclusion
Je dirais que le “Roman Noir” a donné ses lettres de noblesses au roman policier en s’attachant avant tout à ce qui fait l’essence même de tout roman c’est-à-dire la nature humaine. Pour illustrer mes propos et si vous ne devez lire q’un seul roman de ce type, je vous conseille fortement de lire un des romans de celui qui est et restera la figure emblématique de la collection Série Noire , il s’agit de Dashiell Hammett. Prenez par exemple la Clé de Verre, roman dans lequel l’intrigue n’a que peu d’importance mais qui est d’une richesse à la fois sèche et extraordinaire. Si cela vous a donné l’envie d’aller plus loin, penchez-vous alors sur la biographie de ce même Dashiell Hammett, “Dashiell Hammett, une vie” de Diane Johnson qui est un vrai polar à elle toute seule.
Il n’avait qu’un seul but fort simple : “Nous empêcher de dormir”.Dés 1948, Marcel Duhamel va poser les bases fondamentales de cette collection au travers du “manifeste de la Série Noire” :
Que le lecteur non prévenu se méfie : les volumes de la Série Noire ne peuvent pas sans danger être mis entre toutes les mains. L’amateur d’énigmes à la Sherlock Holmes n’y trouvera pas souvent son compte. L’optimiste systématique non plus. L’immoralité admise en général dans ce genre d’ouvrages uniquement pour servir de repoussoir à la moralité conventionnelle, y est chez elle tout autant que les beaux sentiments, voire de l’amoralité tout court. L’esprit en est rarement conformiste. On y voit des policiers plus corrompus que les malfaiteurs qu’ils poursuivent. Le détective sympathique ne résout pas toujours le mystère. Parfois il n’y a pas de mystère. Et quelquefois même, pas de détective du tout. Mais alors ?… Alors il reste de l’action, de l’angoisse, de la violence — sous toutes ses formes et particulièrement les plus honnies — du tabassage et du massacre. Comme dans les bons films, les états d’âmes se traduisent par des gestes, et les lecteurs friands de littérature introspective devront se livrer à la gymnastique inverse. Il y a aussi de l’amour — préférablement bestial — de la passion désordonnée, de la haine sans merci. Bref, notre but est fort simple : vous empêcher de dormir.
Et ce manifeste va non seulement se décliner presque littéralement pendant plus de 50 ans, mais il va donner naissance et substance à la plus formidable et la plus mythique des collections littéraires. Évidemment, il y aura des hauts et des bas, des chefs d’œuvre et un peu de littérature alimentaire, mais il faut rendre grâce à Marcel Duhamel pour cette contribution, pour les découvertes de vrais talents, des américains mal aimés chez eux aux français rebelles, pour ce côté visionnaire qui contribuera à assoir le genre comme une littérature à part entière.
Chapeau Bas Marcel !