Seul demeure son parfum

Feng Hua

2' de lecture

Si vous vous attendez à plonger dans les bas fonds de la pègre chinoise, passez votre chemin. Par contre, si les tourments de l’âme d’un serial killer chinois vous intéressent, si la ténacité et la patience d’un flic chinois vous impressionnent, si la complexité des rapports humains éveille votre curiosité et enfin si la Chine contemporaine et sa culture vous séduisent, alors dévorez ce livre singulier, empreint de poésie, de fraicheur stylistique et vraiment décalé par rapport à la production habituelle des polars. Il s’apparente plus à une cérémonie du thé avec une dégustation lente et raffinée qu’à l’ingurgitation d’un gros hamburger style best-seller américain.

Voila Pu Ke, flic brillant et solitaire, meurtri sentimentalement, sur les traces d’un serial killer aussi froid qu’intelligent, qui ne laisse aucun indice et met un point d’honneur à ne verser aucune goutte de sang lors de ses crimes. Au cours de son enquête, il va rencontrer Mi Duo, tout aussi solitaire et tout aussi tourmentée affectivement et qui va faire son voyage introspectif en l’aidant dans son enquête. Le serial killer lui-même (dont on devine assez vite l’identité) cache au plus profond de son âme, des blessures sentimentales à l’origine de ses méfaits (mais ça c’est plutôt normal pour un tueur en série).

Les relations amoureuses tiennent ici le haut du pavé, qu’elles soient provisoires, telle cette rencontre formidablement bien brossée de Pu Ke avec une tenancière de bar, ou liée à la petite enfance pour des zones d’ombres inavouables, voire charnelles ou platoniques, pour plonger au cœur de la complexité des rapports humains, et des dégâts sur la personnalité de chacun. L’intérêt du livre réside dans la description de ces tanches de vie, sur ces réflexions sur les événements qui nous façonnent et dans cette plongée dans la psyché des protagonistes. Mais l’auteur n’oublie pas l’intrigue, bien menée, avec un tempo crescendo, un équilibre subtil entre action policière et introspection pour tenir le lecteur bien accroche, même s’il est difficile de parler de suspens (le tueur est assez vite identifié sans nuire à la qualité et l’intérêt du livre). Le style m’a par contre surpris au début, simple, hésitant entre poésie, narration directe et dialogues singuliers. Pour déroutant qu’il soit au début et pour peu qu’on s’y accroche, il participe finalement d’une impression générale de nostalgie, de rancune, de désenchantement qui siéent tout à fait aux personnages et au message du livre. Sans aucun doute, il s’agit d’un Polar, d’un bon et qui plus est, vraiment singulier !

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