Faut-il lire le dernier livre de Michel Houellebecq ?

Sérotonine, battage médiatique ou chef d'œuvre littéraire

4' de lecture

La question peut paraitre saugrenue, tant le battage médiatique autour de la sortie de Sérotonine nous aura convaincus que ce septième opus du proclamé plus grand écrivain français était non seulement visionnaire mais anticipait déjà une époque dépressive, révoltée et tragique. La lucidité plus que sombre de notre cher écrivain est devenu sa marque de fabrique et sa plus belle arme de vente massive. Tous les critiques en herbe et les pontes du monde littéraire ressassent en boucle, qui la description du désarroi du monde agricole, qui la polémique sur la laideur de la ville de Niort (2 lignes dans le roman), qui des problèmes récurrents de libido décrites dans le livre (Michel Houellebecq a semble-t-il toujours eu des problèmes de libido), qui du rapprochement avec la crise des Gilets Jaunes, démontrant ainsi toute l’efficacité du travail de son attaché de presse. Ceci pour le côté littérature de cette sortie.

Car dans le plan Com, il y a aussi le côté People de notre cher écrivain. Depuis quelque temps, Michel faisait plus les unes de Closer, Voici ou Paris-Match avec pour paroxysme son mariage récent en septembre 2018 avec Qianyun Lysis Li. Celle-ci est peut-être sa meilleure attachée de presse avec son utilisation des outils modernes, comme en témoignent ses photos sur Instagram, dont une (déjà effacée) de l’auteur nu dans un lit entouré de deux jeunes femmes dont la sienne (je vous disais bien que Michel avait encore des problèmes de libido). L’écrivain sombre et supposé misanthrope est ainsi devenu l’ami des stars de Nicolas Sarkozy à Gérard Depardieu en passant par David Pujadas, fait du cinéma et pousse la chansonnette. Non content d’écumer Saint-Germain des Prés, sanctuaire des bobos de gauche, il est également le Paragon des fous de l’extrême droite, qui voient en lui le pourfendeur lucide de, en vrac, l’Islam, le laxisme ambiant des gens de gauche, du politiquement correct, du féminisme outrancier, de la modernité. Nous avons tous un avis sur Michel Houellebecq et nous participons tous à ce cirque médiatique (y compris votre serviteur qui se fend d’un article sur le sujet) pour le plus grand bénéfice de l’auteur et de sa maison d’édition Flammarion.

C’était mieux avant et demain nous promet une catastrophe tragique pourrait être la devise attribuée à son œuvre par la critique. Mais, à l’instar d’un Éric Zemmour, on pourrait se demander ce qui relève d’une analyse sociologique approfondie, une vraie conviction, voire d’un credo politique, ou plutôt d’un mélange subtil de provocation, buzz médiatique pour alimenter un vedettariat assumé et affiché. D’ailleurs les quelques 320000 exemplaires annoncés de Sérotonine participent de la même mécanique que celle de Zemmour, devenu un vendeur de livres hors pair (vendeur n°1 en France en Septembre 2018). Ces deux phénomènes m’insupportent au sens où la forme et l’hypocrisie l’emportent sur le sens et la conviction (peut-être un peu moins vrai pour Zemmour qui a vraiment l’air de penser et croire ce qu’il raconte) et ils finissent par personnifier exactement ce qu’ils dénoncent, le vide de sens, la forme qui prend le pas sur le fond et la manipulation à tout prix (serait-ce celui d’un livre ou plutôt de plusieurs milliers).

Au bout du compte, il reste alors la qualité littéraire de Michel Houellebecq, sur laquelle peu de critiques se prononcent véritablement, et force est de constater qu’elle est assez faible (je précise que c’est mon avis et que je le partage). J’ai lu trois livres de Michel Houellebecq, Les particules élémentaires, La possibilité d’une ile et évidemment Soumission et franchement, même si ses livres se lisent assez facilement, ce n’est pas Tolstoï. Peu de style, quelques portes ouvertes enfoncées, souvent une certaine paresse littéraire (voire la polémique de sa recopie de pages entières de Wikipédia ou de sites internet officiels) et pour ce qui est de la finesse de l’analyse sociologique, une lecture assidue du Parisien et un abonnement à la messe cathodique du 13 heures de Jean-Pierre Pernaut devraient suffire à atteindre un niveau d’analyse similaire.

Alors, je vais quand même lire Sérotonine, et je vous conseillerai d’en faire autant, au moins pour confirmer ou infirmer mon jugement, pour palabrer dans les diners mondains que je ne fréquente pas, pour se faire peur pour les trente prochaines années, pour mieux apprécier le luxe d’être pessimiste quand tout vous sourit, pour constater que le côté obscur de la force est beaucoup plus attirant quand on sait que l’on peut aller bronzer au soleil à tout moment.

Bonne lecture à tous !

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