Les Apparences

Gillian Flynn

3' de lecture

Le livre porte bien son titre. Il a l’apparence d’un thriller (il est annoncé comme tel), il a un semblant de noirceur, un soupçon de suspens, mais n’est pas vraiment un roman noir. Il traite effectivement de la force des apparences, surtout quand celles-ci tordent la réalité au point de faire passer un mari, un peu lâche, veule et infidèle en un salaud exemplaire, voire en un meurtrier froid et calculateur et une femme folle et dangereuse en une victime innocente et meurtrie. Mais le livre brosse aussi avec une certaine réussite, les relations d’un couple donnant au début toutes les apparences d’un bonheur parfait et durable pour glisser progressivement vers une déliquescence presque banale et prévisible après quelques années de compromis, de compromissions, de rancœurs sourdes et de lassitudes désabusées.

Gone Girl, le film
Gone Girl adaptation cinématographique du livre
Ce sont peut-être là les meilleurs passages du livre, ces descriptions de l’usure du quotidien, de ces petits renoncements périodiques, de ces lâchetés anodines qui finissent par presque toujours inévitablement tuer un ménage heureux. Tuer est d’ailleurs accessoire dans le livre, puisqu’il faut en attendre les derniers chapitres pour enfin, si j’ose dire, découvrir un meurtre, mis au service d’une intrigue aussi prévisible, qu’alambiquée. Mais au moins, le livre aura eu le mérite de mettre en exergue que les relations maritales et amoureuses ne supportent guère les apparences, surtout quand la haine conjugale se pare des atours galvaudés de l’amour.

Quand X et Y filent le parfait amour, quand ils finissent par convoler en justes noces, mais quand malheureusement quelques tourments familiaux les obligent à rompre avec une vie qui leur était déjà toute tracée, voilà X qui se découvre plutôt lâche et faible sous le vernis du solide beau gosse, voilà Y qui passe de la petit fille et femme modèle à la chipie qui a basculé dans la folie et surtout les voilà tous les deux qui redoublent d’efforts, Y pour préserver coûte que coûte les apparences et X pour tordre la réalité a son profit. En soi, le livre se lit assez bien, pour peu que l’on veuille bien passer les premiers instants de confusion face à ce thriller annoncé qui n’en est pas un, que l’on fasse preuve d’un peu d’indulgence ou d’indolence face à la construction même du livre, avec ces chapitres séparés en point de vue de Madame et de Monsieur, que l’on reste vigilent sur cette remontée temporelle qui a malgré tout quelque chose de fallacieux et de fabriqué, même si tout cela réduit fortement la noirceur de ce qui aurait pu être ce livre sur les rapports amoureux et conjugaux, sur la force destructrice de la dictature des apparences, sur la prison sociale que certains refusent de quitter, sur l’aliénation mentale fruit d’une éducation plus que discutable. Mais la vraie leçon du livre, voire la vraie démonstration autant littéraire que factuelle, est cette dictature des apparences, cette propension qu’ont les américains à toujours préférer une bonne histoire à la réalité, à falsifier les faits, tout cela pour mieux vous entuber.

Comme disait James Stewart dans L’Homme qui tua Liberty Valance,

On est dans l’Ouest, ici. Quand la légende dépasse la réalité, alors on publie la légende.

Les Apparences de Gyllian Flynn a remporté le Grand Prix des Lectrices du magazine ELLE.

Découvrez l’adaptation cinématographique de ce roman avec Gone Girl, réalisé en 2014 par David Fincher pour y retrouver Ben Affleck et la belle Rosamund Pike dans les rôles principaux. Il est également symptomatique de ce penchant immodéré et plus que coupable (à mon avis) qu’ont les américains de presque toujours préférer une bonne histoire à la réalité. Et malheureusement ils ne sont plus les seuls.

Gone Girl réalisé en 2014 par David Fincher avec Ben Affleck et Rosamund Pike

Pour le Meilleur et Pour le Pire
Le Diable tout le temps