Hôtel du grand cerf

Franz Bartelt

2' de lecture

Subtil mélange d’humour noir, d’enquête classique et d’univers déjanté, de peinture sociale, le tout traversé par une galerie de personnages hauts en couleur dont le plus remarquable est certainement l’inspecteur Vertigo Kulbertus, digne héritier du Bérurier de Fréderic Dard avec San-Antonio. Pour sa dernière enquête avant une retraite bien méritée (dans moins de quinze jours), Vertigo s’installe dans un petit bled des Ardennes, coq en pâte dans l’hôtel éponyme du livre et est vraiment très loin de faire l’unanimité sur sa personne, aussi obèse que mufle, beaucoup plus subtil que ne laisse paraitres un abord bourru et retords. Il sera le révélateur des travers et secrets d’une petite société provinciale, déjà mise à mal par l’ancien douanier qui consignait méthodiquement de quoi faire chanter tout le village.

Humour noir (très noir), cruauté, cynisme et jubilation font le sel de ce roman qui, au-delà de Fréderic Dard, pourrait faire penser au film Le Corbeau de Henry George Clouzot pour sa peinture sans concession des âmes tourmentées, des sentiments primitifs, jalousie, cupidité, ressentiment, égoïsme, perversité, bassesse, tous parfaits ressorts de relations humaines idéales pour un bon polar. Et ce livre en est un, très bon polar, grâce à Franz Bartelt, qui s’emploie également, avec précision et causticité, de distiller quelques piques caricaturales envers pêle-mêle, l’univers des consultants et autres gourous aux méthodes peu orthodoxes pour rendre les cadres plus performants, le syndicalisme de base, l’alcoolisme lyrique. Aucun des personnages ne sort indemne de ces attaques au vitriol, à l’humour noir, à l’excentricité assummée et en gardera une fêlure, trace qui lie parfois la vérité et le mensonge de façon aussi irrémédiable que nécessaire.

A lire, pour son humour, sa dérision, son enquête au millimétre et également pour cette jubilation qui vous saisit souvent au détour d’un paragraphe ou d’une digression salvatrice.

La Daronne
Six-Quatre